Le beau rôle libyen de Cécilia Attias

Publié le par das-baham

Cécilia Attias est-elle responsable des erreurs commises par son ex-mari, Nicolas Sarkozy, au début de son mandat ? Le chef d’État l’avait laissé entendre lors de son intervention dans l’émission « Des Paroles et des actes » sur France-2, le 6 mars, expliquant qu’à l’époque« une partie de (sa) tête était prise par (ses) problèmes personnels », son couple étant en train d’« exploser ».

L’argument est également avancé par la journaliste Catherine Nay dans son livre L'Impétueux - Tourments, tourmentes, crises et tempêtes (Éd. Grasset), dont les six premiers chapitres sont consacrés à la façon dont Nicolas Sarkozy a orienté ses premiers mois de présidence dans le seul but de reconquérir sa femme.

Invitée sur France-2 dans l’émission « On n’est pas couché » le 24 mars, l’éditorialiste d’Europe 1 est notamment revenue sur l’épisode de la libération, en juillet 2007, des infirmières bulgares détenues dans les prisons libyennes depuis huit ans. Le chef d’État « n’avait que cette obsession à l’époque : que Cécilia reste à côté de lui, a expliqué Catherine Nay. Il voulait lui donner un rôle à sa mesure. »

Dans son livre, Catherine Nay écrit par ailleurs que le déplacement de Cécilia Sarkozy et Claude Guéant en Libye, le 12 juillet 2007, avait suscité « un vif agacement à Bruxelles ». Les représentants européens, qui n’avaient été ni avertis ni associés, y ont vu « un coup des Français pour récupérer sans effort particulier le patient travail accompli depuis trois ans ». Pour l’éditorialiste d’Europe 1, les faits sont clairs : les infirmières auraient de toute façon été libérées, intervention de l’ex-première dame ou non.

Une version des faits contre laquelle l’époux actuel de la principale intéressée s’est insurgé au micro de France Inter le 29 mars (voir vidéo ci-dessous) : « Quand on laisse penser que Cécilia a été presque un pot de fleur qu’on a transporté pour juste aller récupérer des choses qui étaient complètement faites, je dis que ça n’est pas exact », a-t-il affirmé. Invité par Pascale Clark au prétexte de parler du New York Forum dont il est fondateur – il n’a, in fine, pas été question des activités du publicitaire durant les huit minutes d’entretien –, Richard Attias a déroulé une véritable plaidoirie pour défendre sa femme.

 

Or, les lecteurs de Mediapart savent depuis juillet 2011, et la publication des Documents Takieddine, que c'est Claude Guéant, bien plus que Cécilia Attias, qui avait mis en place le scénario de la libération des infirmières, en concertation avec Abdallah Senoussi, le bras droit et beau-frère de Kadhafi (voir à ce sujet notre enquête « Sarkozy-Guéant : le grand soupçon libyen »).

D'autres négociations avec la Libye
Libération des infirmières bulgares © ReutersLibération des infirmières bulgares © Reuters

Réaffirmant que Cécilia Attias « n'était pas du tout impliquée dans le Fouquet's », le soir de la victoire de Nicolas Sarkozy, « ni dans le choix de la croisière » sur le yacht du milliardaire Vincent Bolloré, les jours suivants, le publicitaire s’est surtout attardé sur le rôle de négociatrice joué par sa femme auprès des autorités libyennes, bien après la libération des infirmières bulgares : « Il s’avère que moi, je suis allé avec Cécilia en Libye, mais pas à l’occasion des infirmières, a-t-il expliqué. J'y suis allé en qualité de son époux il y a près d’un an lorsque les autorités suisses lui ont demandé d’aller négocier la libération d’un ingénieur suisse qui travaillait dans le groupe ABB. »

« On a quitté Paris, depuis le Bourget, dans un avion mis à disposition par la société, et j’ai assisté moi-même pendant 24h à des négociations acharnées entre Cécilia et les autorités libyennes, qui ont permis cinq jours après de le libérer, a-t-il poursuivi. Et ça, personne n’en a parlé. Pas plus qu’on a parlé de son action qu’elle a eue lorsqu’elle a négocié, également en ma présence, la libération d’un de vos confrères, qui était une journaliste américaine du New York Times. »

L’information sur la libération de l’ingénieur suisse, Max Göldi, retenu en otage par le régime Kadhafi de juillet 2008 à juin 2010, a été confirmée jeudi au quotidien suisse Le Temps par le département fédéral des affaires étrangères (DFAE). « Le DFAE a travaillé avec différents acteurs susceptibles de contribuer à la libération des otages. Comme d’autres acteurs, Cécilia Attias a effectivement joué un rôle positif. Mais c’est en particulier l’engagement de l’Allemagne et de l’Espagne, qui assurait alors la présidence de l’UE, qui a pesé dans le dénouement final heureux de cette crise », ont indiqué les affaires étrangères. Interrogé par laTribune de Genève, le chef de la communication d’ABB, Thomas Schmidt, a indiqué que la société ne faisait aucun commentaire sur le sujet.

L'ingénieur suisse, Max Göldi © ReutersL'ingénieur suisse, Max Göldi © Reuters

 

En outre, Le Temps rappelle que la RTS (Radio Télévision Suisse) « avait, la première, évoqué en juin 2010 une rencontre entre Cécilia et Richard Attias d’un côté, et le premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi de l’autre, le mercredi 19 mai 2010 à Tripoli ».

« Cette rencontre serait donc intervenue au lendemain de l’annonce, faite par l’avocat libyen de Max Göldi, de la prochaine libération de ce dernier. Censée intervenir le 12 juin 2010, la libération du Bernois aura finalement lieu le 10. Mais la ministre des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, devra encore attendre le 14 juin pour le ramener en Suisse », poursuit le quotidien suisse avant de conclure : « De toute évidence, l’ex-première dame disposait de contacts importants en Libye. »

Dans la foulée des déclarations de Richard Attias sur France Inter, c’est Christian Ciganer-Albeniz, le frère de Cécilia Attias, qui est monté au front pour défendre sa sœur. Dans un billet publié sur son blog, il confirme que cette dernière s’est « personnellement engagée dans la libération des infirmières bulgares ». Un rôle« pro-actif » qui lui a valu, selon Christian Ciganer-Albeniz, d’être sollicitée à deux reprises, « une fois par les autorités suisses, une autre fois par le New York Times »« pour intervenir de manière indépendante ! ».

Pour l'heure, l'information concernant la journaliste du New York Times n’a pas été confirmée. Contacté par Mediapart, le quotidien américain nous a répondu qu'il ne faisait pas de commentaires sur ce type de sujet. En mars 2011, quatre journalistes du NYT, Anthony Shadid, Stephen Farrell, Tyler Hicks et Lynsey Addario, avaient été arrêtés en Libye par les forces fidèles au régime Kadhafi, avant d’être libérés quelques jours plus tard.

La seule femme du groupe, la photographe Lynsey Addario, avait raconté ses jours de captivité sur son blog, sans toutefois évoquer les conditions de sa libération. À l’époque, le rédacteur en chef du quotidien, Bill Keller, s’était dit « particulièrement redevable au gouvernement turc, qui est intervenu (...) pour superviser la libération des journalistes et les conduire en Tunisie ». Il avait en outre souligné que les diplomaties américaine et britannique avaient également apporté leur assistance, mais n'avait pas dit un mot sur une éventuelle intervention de Cécila Attias.

Deux libérations pour lesquelles Cécilia Attias semble avoir eu un rôle, si celui-ci est confirmé, mineur. 

 

 

 

Source: Mediapart

Publié dans Politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article