Un journaliste sans carte de presse n'en est pas un, selon le parquet de Chambéry

Publié le par das-baham

Un journaliste bénévole peut-il jouir de la liberté d’informer de la même manière que celui qui détient une carte de presse ? Pour la police et le parquet de Chambéry, la réponse est non. Pour les magistrats qui se sont penchés sur le cas de Mikaël Chambru en première instance, la réponse est oui. Mais le ministère public a fait appel. Le procès s’ouvre aujourd’hui.

 

 

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Le 2 novembre 2010, le site savoyard d’information La Voix des Allobroges envoie Mikaël Chambru en reportage pour couvrir une action de blocage des voies menée par des syndicalistes à la gare de Chambéry (voir la vidéo qu'il a réalisée sur cet événement). La police observe, prend des photos et convoque cinq syndicalistes et Mikaël Chambru.

Ce dernier aura beau arguer qu’il est journaliste (comme en témoigne la caméra qu’il porte au poing) sans carte de presse - le jeune homme est bénévole pour le site - sa convocation au commissariat un mois plus tard est maintenue, au même titre que les syndicalistes.

Pas de journalisme sans carte de presse

Il y réexplique qu’il est journaliste depuis plusieurs années - il a notamment collaboré avec le Dauphiné Libéré pendant trois ans - et apporte la preuve qu’il a réalisé de très nombreux reportages vidéos pour La Voix des Allobroges. Rien n’y fait, la police s’entête à le considérer comme un manifestant.

Au cours du procès en première instance, la société et le parquet ont tenté de justifier la présence de Mikaël Chambru sur le banc des accusés avec une photo prise durant la manifestation et sur laquelle la caméra n’apparaît pas. La comparaison de la photo avec celles publiées dans la presse locale ont fait dire aux magistrats, dans leur décision du 4 mars dernier, que le cadrage était "partial". Dans la foulée, ils ont désavoué les policiers :

"L’absence d’intention délictuelle est particulièrement flagrante concernant M. Chambru qui ne faisait que recueillir l’information constituée par cet évènement et n’y participait aucunement, sauf à ce que l’on remette en cause le rôle éminent de la presse dans une société démocratique de communiquer dans le respect de ses devoirs et des responsabilités des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêt générale."

La relaxe a été prononcée pour les six accusés. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, puisque la SNCF et le parquet interjettent appel, moins d’une semaine plus tard. Nous avons essayé de contacter le parquet de Chambéry, qui n’a pas donné suite à nos demandes.

Un média associatif indépendant étranglé par les frais de justice

Au-delà de Mikaël Chambru, par ailleurs doctorant et enseignant en Sciences de l’information et de la communication à Grenoble - le métier qui lui permet de vivre - ce nouveau procès place en grande difficulté le média associatif en ligne dans lequel il travaille. Déjà asphyxiée par les frais d’avocats du procès en première instance, La Voix des Allobroges s’inquiète pour sa survie, par la voix de son directeur de publication, Brice Perrier :

"On est un petite association sans recettes publicitaires. Heureusement, on avait fait une vente de tee-shirts qui nous a servi à couvrir une partie des frais du procès en première instance. Mais là, on ne sait plus comment s’en sortir."

En avril dernier, "le canard savoyard qui ouvre son bec", s’alarmait déjà dans une tribune publiée sur Rue89 du traitement que lui a réservé le parquet. "Depuis notre création en 2005, c’est notre premier problème avec la justice", précise pourtant Brice Perrier.

Des soutiens de poids

Ces derniers jours, le site a reçu le soutien de Reporters Sans Frontière et du Syndicat National des Journalistes, rendus publics au cours d’une conférence de presse qui se tenait ce mercredi.

Les premiers s’insurgent contre le fait de "conditionner la collecte d’information à la détention d’une carte de presse est une restriction inédite et inacceptable au droit d’informer". Le SNJ enfonce le clou, en considérant que "cet acharnement est tout à fait contraire à la liberté d'information et à la liberté d'expression".

En janvier, un journaliste stagiaire des Inrocks qui n'avait pas de carte de presse avait été emmené au commissariat lors d'une manifestation.

Début des hostilités aujourd’hui, à 14h, au palais de justice de Chambéry.

 

 

 

 

Source: Les inrcoks

 

Publié dans Média

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